Lorsqu’un bailleur choisit de ne pas renouveler un bail commercial, le locataire bénéficie d’une indemnité d’éviction. Cette compensation financière vise à réparer le préjudice causé par la perte des locaux professionnels. Elle prend en compte la valeur du droit au bail et les impacts sur l’activité du locataire. Conformément à l’article L.145-14 du Code de commerce, le bailleur est tenu de verser cette indemnité, déterminée soit à l’amiable, soit par un tribunal en cas de litige.
L’indemnité couvre les frais de déménagement, de réinstallation et compense la privation du local. Son montant dépend de la capacité du commerçant à se réinstaller sans perdre de clientèle, selon les usages de la profession. Maîtriser ce mécanisme est important pour les deux parties, car il affecte directement la continuité de l’activité commerciale.
Dans cet article, découvrez les 5 éléments clés de l’indemnité d’éviction pour mieux comprendre son fonctionnement.
1. Comprendre les conditions d’éligibilité à l’indemnité d’éviction

Cas typiques nécessitant une indemnité
Pour être éligible à l’indemnité d’éviction, le locataire doit respecter plusieurs conditions spécifiques. Tout d’abord, il est impératif qu’il exploite effectivement un fonds de commerce dans les locaux loués. Cela inclut son immatriculation au Registre du commerce et des sociétés (RCS) et au registre national des entreprises (RNE).
En outre, le locataire doit avoir assuré l’exploitation de son activité commerciale, industrielle ou artisanale dans les locaux loués durant les trois années précédant la fin du bail. Cette exploitation continue est une condition essentielle pour bénéficier du droit au renouvellement du bail et, par conséquent, de l’indemnité d’éviction en cas de refus de renouvellement.
L’indemnité d’éviction est généralement due lorsque le bailleur refuse le renouvellement du bail commercial sans motif grave et légitime. Le locataire peut réclamer cette indemnité dans un délai de deux ans à compter de la notification du refus de renouvellement ou de la réception du congé du bailleur.
Exceptions refusant l’indemnité
Le Code de commerce prévoit plusieurs situations où le bailleur peut refuser le renouvellement du bail commercial sans être tenu de verser une indemnité d’éviction. Parmi ces exceptions, on retrouve le comportement grave et légitime du locataire, comme le non-paiement du loyer ou des charges, la cessation injustifiée de l’exploitation du fonds de commerce, ou encore la réalisation de travaux non autorisés dans les locaux loués.
D’autres motifs incluent des projets spécifiques du bailleur, tels que la construction ou la reconstruction d’un immeuble avec proposition d’un local de remplacement, la démolition d’un immeuble insalubre ou vétuste, ou encore la reprise du local d’habitation accessoire au local commercial. Dans ces cas, le bailleur est exempté de verser une indemnité d’éviction.
Enfin, si le locataire ne satisfait pas aux conditions du droit au renouvellement, comme l’immatriculation au RCS et au RNE, ou s’il n’a pas exploité le fonds de commerce de manière continue et régulière, le bailleur peut également refuser le renouvellement sans indemnité d’éviction.
2. Calcul de l’indemnité d’éviction

Fondements du calcul de l’indemnité
Le calcul de l’indemnité d’éviction dans le cadre d’un bail commercial repose sur le principe de réparation du préjudice subi par le locataire, en raison de la perte de son droit au bail. Cette indemnité doit être équivalente au préjudice causé par le défaut de renouvellement du bail commercial. Elle est généralement déterminée selon les usages de la profession et varie en fonction de la possibilité pour le commerçant de se réinstaller sans subir une perte de clientèle.
Le montant de l’indemnité d’éviction peut être fixé à l’amiable entre le bailleur et le locataire, souvent avec l’intervention de leurs avocats respectifs. Cependant, en cas de désaccord, ce montant est établi par un expert dans le cadre d’une procédure judiciaire.
L’intervention d’un expert est souvent indispensable pour évaluer le montant de l’indemnité d’éviction. Ce dernier doit analyser plusieurs éléments afin de déterminer le préjudice subi par le locataire.
Éléments pris en compte dans l’évaluation
L’évaluation de l’indemnité d’éviction inclut plusieurs éléments clés :
- Tout d’abord, la valeur marchande du fonds de commerce est déterminée suivant les usages de la profession. Cela inclut les résultats d’exploitation de l’entreprise, notamment le chiffre d’affaires des trois dernières années, ainsi que la perte de clientèle si le fonds de commerce disparaît définitivement.
- En plus de la valeur marchande du fonds, l’indemnité peut être augmentée des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur.
- Ces frais incluent souvent les coûts de négociation d’un nouveau bail commercial et les commissions dues à un intermédiaire.
- D’autres éléments accessoires peuvent également être pris en compte, tels que l’indemnité de trouble commercial ou de cessation d’exploitation, destinée à compenser la perte de gains pendant le temps nécessaire à la réinstallation du locataire.
- Dans certains cas, l’indemnité de licenciement du personnel salarié peut également être incluse, notamment en cas de disparition définitive du fonds ou de réinstallation lointaine.
Il est important de noter que certains éléments sont exclus du calcul de l’indemnité d’éviction, tels que :
- Le matériel, le mobilier et les droits incorporels, qui restent la propriété du locataire évincé.
- Les aménagements et travaux réalisés dans le local dont le bail n’est pas renouvelé.
- Les impôts dus au titre des plus-values.
3. Procédure légale et notifications requises

Notification du congé
Lorsque le bailleur décide de refuser le renouvellement du bail commercial, il doit suivre une procédure stricte pour notifier son intention au locataire. Le congé doit être donné par acte de commissaire de justice (anciennement acte d’huissier de justice) et respecter un délai de préavis de six mois avant la fin du bail. Ce congé doit impérativement être notifié au dernier jour du trimestre civil.
La notification du congé doit inclure plusieurs éléments essentiels, notamment les motifs du refus de renouvellement, qui doivent être graves et légitimes. Par exemple, cela peut inclure le non-paiement des loyers, l’inexécution d’une obligation contractuelle substantielle, ou encore la volonté du bailleur de reprendre les locaux pour y habiter ou y exercer une activité. En outre, le congé doit préciser que le locataire a la possibilité de contester le refus de renouvellement ou de demander le paiement d’une indemnité d’éviction devant le tribunal judiciaire, dans un délai de deux ans à compter de la notification.
Phase de négociation et possibilité de contestation
Après la notification du congé, le locataire dispose de plusieurs options pour réagir. Il peut choisir de négocier directement avec le bailleur afin de trouver un accord amiable concernant le montant de l’indemnité d’éviction ou les conditions de départ des locaux.
Cette phase de négociation peut être facilitée par l’intervention d’un expert ou d’un médiateur, qui aide les parties à trouver un accord mutuellement acceptable. Toutefois, si aucun accord n’est trouvé, le locataire peut saisir le tribunal judiciaire pour contester le refus de renouvellement ou demander la fixation du montant de l’indemnité d’éviction. Le tribunal judiciaire est compétent pour évaluer les préjudices subis par le locataire et pour déterminer le montant de l’indemnité d’éviction.
Le locataire doit impérativement agir dans un délai de deux ans à compter de la notification du refus de renouvellement pour saisir le tribunal. En cas de contestation, il devra démontrer que le motif avancé par le bailleur pour refuser le renouvellement n’est pas fondé ou ne répond pas aux critères légaux. Par exemple, si le bailleur invoque un projet de démolition, le locataire pourra contester la réalité ou la faisabilité de ce projet.
Le tribunal judiciaire statuera alors sur la légitimité du refus de renouvellement et sur le montant de l’indemnité d’éviction due au locataire.
4. Conséquences de l’indemnité d’éviction pour les parties

Impact fiscal pour le bailleur
L’indemnité d’éviction versée par le bailleur peut entraîner des implications fiscales importantes. D’un point de vue fiscal, le montant de cette indemnité est généralement considéré comme un revenu imposable pour le bailleur, notamment si ce dernier est assujetti à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers. Cependant, dans certains cas, l’indemnité peut être déductible des revenus fonciers si elle est considérée comme une charge nécessaire à la gestion du patrimoine immobilier.
Les règles fiscales peuvent toutefois varier en fonction des circonstances du refus de renouvellement et de la situation fiscale spécifique du bailleur. Il est donc fortement recommandé de consulter un expert fiscal afin de déterminer précisément les implications et d’optimiser la situation fiscale.
Impact financier sur le locataire
L’indemnité d’éviction a un impact financier direct et significatif sur le locataire. Elle est conçue pour compenser les préjudices liés au départ des locaux, tels que la perte de clientèle, les frais de déménagement et de réinstallation, ainsi que d’autres conséquences financières découlant de l’éviction.
Sur le plan fiscal, l’indemnité d’éviction reçue par le locataire peut être soumise à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu, en fonction du régime fiscal applicable. Si le locataire est une entreprise, l’indemnité sera généralement soumise à l’impôt sur les sociétés. En revanche, si elle est perçue par un individu, elle sera soumise à l’impôt sur le revenu, souvent dans la catégorie des revenus divers.
En outre, cette indemnité permet au locataire de couvrir les coûts liés à la réinstallation de son activité, comme l’achat ou la location de nouveaux locaux, les frais de publicité pour informer la clientèle du changement d’adresse, et les autres dépenses nécessaires pour maintenir ou relancer son activité. Grâce à cette compensation, le locataire peut minimiser les pertes financières résultant de l’éviction et assurer la continuité de son entreprise.
5. Conseils pratiques pour la gestion des indemnités d’éviction

Méthodes de prévention des litiges
Pour éviter les litiges liés aux indemnités d’éviction, il est important de prendre certaines précautions dès la rédaction du contrat de bail commercial. Tout d’abord, il est essentiel d’inclure des clauses claires et précises dans le bail, notamment :
- Une clause d’indexation du loyer.
- Une clause résolutoire en cas de manquement du locataire.
- Une clause de destination précisant l’activité autorisée dans les locaux.
Une autre méthode de prévention consiste à maintenir une communication transparente et régulière entre le bailleur et le locataire. Cela permet de résoudre les problèmes potentiels avant qu’ils ne dégénèrent en litiges.
Les parties doivent également respecter scrupuleusement les obligations contractuelles, telles que le paiement des loyers et des charges, ainsi que l’utilisation conforme des locaux.
En outre, il est recommandé de documenter toutes les interactions et les accords entre les parties, y compris les échanges de courriers et les ententes verbales. Cela peut fournir des preuves utiles en cas de litige et faciliter la résolution des conflits de manière amiable.
Rôle des avocats et experts
Les conseillers juridiques et les experts jouent un rôle déterminant dans la gestion des indemnités d’éviction. Un avocat droit immobilier peut :
- Aider à rédiger ou négocier le contrat de bail commercial afin de prévenir les conflits futurs.
- Assister les parties dans les négociations amiables pour fixer le montant de l’indemnité d’éviction et éviter les litiges.
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En cas de litige, un avocat peut représenter la partie concernée devant le tribunal et défendre ses intérêts. Grâce à leur connaissance des procédures judiciaires et des jurisprudences relatives aux baux commerciaux, ils peuvent améliorer significativement les chances de succès de leur client.
De plus, un expert judiciaire peut être désigné pour évaluer le montant de l’indemnité d’éviction. Cet expert recueille les éléments nécessaires pour déterminer :
- La valeur marchande du fonds de commerce.
- Les frais de déménagement et de réinstallation.
- Les autres préjudices subis par le locataire.
L’assistance d’un expert permet de fournir une évaluation objective et professionnelle, ce qui peut aider à résoudre le litige de manière équitable.
Conclusion
L’indemnité d’éviction dans le cadre d’un bail commercial constitue un élément essentiel pour protéger les intérêts des locataires et compenser les préjudices résultant du refus de renouvellement du bail. Il est donc primordial de bien comprendre les conditions d’éligibilité, les méthodes de calcul, les procédures légales, ainsi que les implications financières et fiscales pour toutes les parties concernées.
Les locataires doivent être pleinement conscients de leurs droits, notamment leur droit au renouvellement et à l’indemnité d’éviction. Pour en bénéficier, ils doivent s’assurer de remplir les conditions légales nécessaires.
Les bailleurs, de leur côté, doivent connaître les motifs graves et légitimes qui leur permettent de refuser un renouvellement sans avoir à verser d’indemnité. La négociation amiable, accompagnée de l’intervention d’experts et de conseillers juridiques, peut simplifier le processus et réduire les risques de litiges.
En conclusion, une compréhension approfondie de ces aspects est indispensable pour naviguer efficacement dans les complexités des baux commerciaux. Cela garantit une transition juste et équitable pour toutes les parties impliquées. Si vous êtes confronté à une situation impliquant une indemnité d’éviction, n’hésitez pas à consulter un expert afin de protéger vos intérêts et de vous assurer que vos droits sont respectés.
FAQ
Quel est le montant de l’indemnité d’éviction pour un bail commercial ?
Le montant de l’indemnité d’éviction pour un bail commercial dépend du préjudice subi par le locataire. Il inclut notamment :
La valeur marchande du fonds de commerce.
Les frais de déménagement et de réinstallation.
Les frais de mutation.
Si le fonds de commerce est perdu, l’indemnité couvre sa valeur. En cas de déplacement du fonds, elle compense la différence entre les loyers du local initial et du nouveau, ainsi que d’autres frais accessoires.
Comment puis-je négocier un montant d’indemnité d’éviction pour un bail commercial ?
Pour négocier un montant d’indemnité d’éviction, commencez par tenter de trouver un accord à l’amiable avec le bailleur. Si cela échoue, vous pouvez faire appel à un expert professionnel pour évaluer l’indemnité, qui doit couvrir :
La valeur marchande du fonds de commerce.
Les frais de déménagement et de réinstallation.
Les autres frais de mutation.
En cas d’absence d’accord, il est possible de saisir le tribunal judiciaire pour qu’il fixe le montant de l’indemnité.
Comment est calculée l’indemnité d’éviction pour trouble commercial ?
L’indemnité d’éviction pour trouble commercial vise à réparer le préjudice causé par l’interruption temporaire de l’activité d’un commerçant. Elle est calculée en fonction :
– Du temps de travail improductif.
– Des pertes liées à la gestion de l’éviction.
Généralement, elle est appréciée en nombre de mois de l’excédent brut d’exploitation (EBE) du dernier exercice, souvent fixé à trois mois pour les activités traditionnelles. En l’absence d’un EBE représentatif, elle peut être calculée à partir :
– Des pertes sur salaires et charges.
– Du trouble d’exploitation basé sur le chiffre d’affaires moyen.
Comment ne pas payer l’indemnité d’éviction ?
Pour éviter de payer l’indemnité d’éviction dans un bail commercial, le bailleur doit prouver une raison valable et légale, comme :
Un comportement grave du locataire (exemple : non-paiement du loyer).
La violation d’une clause essentielle du bail.
Le bailleur doit mettre le locataire en demeure de respecter ses obligations par acte extrajudiciaire. Si le locataire ne se conforme pas dans un délai d’un mois, il peut être évincé sans indemnité.
